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Contrefaçon de droit d’auteur
02.16.2022
Un Arrêt du 26 novembre 2021 de la Cour d’Appel de Paris (Pôle 5 Chambre 2 – RG n° 20/03316) rappelle divers principes en matière de contrefaçon de droit d’auteur relativement à un modèle de vêtement.
Sur la recevabilité de l’action en contrefaçon
Concernant la présomption de titularité des droits d’auteur, la Cour indique que l’appelante a justifié exploiter de manière non équivoque le modèle litigieux et en l’absence de revendication par un tiers.
La Cour rappelle que la force probante des pages issues du site archives.org peut être prise en considération si elle n’est pas « utilement discutée » et dans la mesure où d’autres éléments viennent confirmer la mise sur le marché du modèle considéré (journal des ventes, communiqué de presse annonçant la commercialisation du modèle litigieux, articles de presse comportant la reproduction de l’article litigieux).
La Cour en conclut que l’appelante exploite de manière non équivoque le modèle qu’elle revendique.
Sur l’originalité du modèle revendiqué
La Cour rappelle que « l’originalité d’une œuvre doit s’apprécier de manière globale de sorte que la combinaison des éléments qui la caractérisent du fait de leur agencement particulier lui confère une physionomie particulière qui démontre l’effort créatif et le parti pris esthétique portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur. »
Ce rappel est important dans la mesure où, en matière de contrefaçon, les défendeurs invoquent fréquemment certains éléments du domaine public et s’abstiennent, pour les besoins de leur défense, de procéder à une analyse globale des modèles.
En outre, la Cour rappelle que « l’originalité comme condition subjective de la protection à titre de droit d’auteur s’oppose à la notion objective de nouveauté et la notion d’antériorité est donc inopérante en terme de droit d’auteur ».
Cette précision est également essentielle car, fréquemment, les défendeurs raisonnent en matière de droit d’auteur comme en matière de dessin et modèle en invoquant de prétendues antériorités.
Sur l’empreinte de la personnalité de l’auteur
Concernant la notion d’empreinte de la personnalité de l’auteur, la cour précise « l’empreinte de la personnalité est à rechercher dans l’aspect global de l’œuvre prise dans la combinaison de chacun de ses éléments, fussent-ils connus. »
En l’espèce la Cour relève « la combinaison de la matière, certes connue,… et de la forme citadine et féminine de ce vêtement conférée par la coupe courte et cintrée, les manches ajustées, les poches plaquées, le gansage du col, du bout des manches et du haut des poches ».
La Cour précise que cette combinaison démontre un choix libre et arbitraire et un effort créatif portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur.
Cette solution est conforme à la jurisprudence de la CJUE. On rappellera à ce sujet que par un arrêt du 12 septembre 2019, la CJUE a jugé que « il découle de la jurisprudence constante de la Cour que, pour qu’un objet puisse être regardé comme original, il est à la fois nécessaire et suffisant que celui-ci reflète la personnalité de son auteur, en manifestant les choix libres et créatifs de ce dernier » (CJUE, 12 septembre 2019, n° C-683/17, Cofemel – Sociedade de Vestuario Sa / G-Star Raw, consid. 30).
Ainsi, selon une jurisprudence constante, même si divers éléments constitutifs du modèle sont dans le domaine public, leur combinaison peut être originale.
La Cour rejette la thèse adverse selon laquelle l’appelante se serait contentée d’une description des caractéristiques du vêtement.
Sur la contrefaçon
La Cour rappelle que la contrefaçon s’apprécie par les ressemblances et non par les différences et que « les différences existantes entre les poches ou concernant d’autres détails ne sont pas de nature à écarter l’impression d’ensemble très proche produite sur le public par les deux vêtements en cause ».
Sur l’appréciation de la concurrence déloyale et parasitaire
A ce sujet, la Cour rappelle que ressort d’un comportement déloyal et constitutif d’une faute au sens de l’article 1240 du Code Civil, la reproduction ou l’imitation d’un produit ayant pour effet de créer un risque de confusion.
Là encore, les différences sont rejetées, la Cour précisant qu’elles « ne sont pas de nature à écarter les grandes ressemblances existant entre les produits en cause. »
Enfin concernant la concurrence déloyale, la Cour rappelle que le fait que les vêtements portent une marque distincte et connue n’est pas exclusif du risque de confusion, « le public pouvant être amené à croire à l’existence d’un partenariat entre les deux enseignes ».
Cet Arrêt, particulièrement clair, constitue un rappel synthétique des principes applicables en la matière.
Philippe Bessis