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Nullité de l’assemblée générale irrégulièrement convoquée : le recours au « vote utile »
14.06.2024
Cass. com., 29 mai 2024, n° 21-21.559 (publié)
Problématique
Toute assemblée irrégulièrement convoquée doit-elle nécessairement être annulée ?
Réponse de la Cour
Non. Ce n’est que si (i) l’irrégularité a privé l’associé de son droit de prendre part à l’assemblée et (ii) que sa participation était de nature à influer sur le résultat du processus de décision.
« Il résulte de [l’article L. 223-27 du code de commerce] que le défaut de convocation régulière de l’associé d’une société à responsabilité limitée à l’assemblée générale de cette société n’entraîne la nullité des délibérations de cette assemblée que si cette irrégularité a privé l’associé de son droit d’y prendre part et qu’elle était de nature à influer sur le résultat du processus de décision. »
Analyse
- La Cour de cassation retient classiquement que la nullité de l’assemblée d’une SA (art. L. 225-104 c.com.) ou d’une SARL (art. L. 223-27 c.com.) irrégulièrement convoquée n’est que facultative.
- Par exemple : la nullité de l’assemblée n’est pas prononcée si l’associé demandeur a donné quitus au gérant alors que les actes accomplis en exécution de la résolution adoptée apparaissaient au bilan ce qui valait ratification (Cass. com., 5 décembre 2000, n° 98-13.904) ou lorsque l’associé demandeur ne justifie pas d’un grief (Cass. com., 10 novembre 2015, n° 14-16.022).
- La Cour de cassation avait jusqu’à présent refusé d’appliquer la théorie du « vote utile » aux assemblées d’associés (Cass. civ. 3ème, 8 juillet 2015, n° 13-27.248 ; Cass. com., 28 mars 2006, n° 02-13.852) comme aux conseils d’administration (Cass. com., 24 avril 1990, Bull. civ. IV, n° 125).
- La théorie du « vote utile » ou du « vote efficace » consiste à n’admettre la nullité des décisions adoptées que lorsque la participation de l’associé à l’assemblée lui aurait permis d’exercer une influence sur l’issue du vote.
- À l’inverse de la Cour de cassation, la cour d’appel de Paris l’a fréquemment appliquée pour « sauver » des délibérations dans des hypothèses où l’associé demandeur détenait une faible participation, en particulier en l’absence de minorité de blocage (CA Paris, 27 mars 2001, n° 2000/12023).
- Récemment toutefois, la même formule conditionnant la nullité à l’influence sur le « résultat du processus de décision » a été adoptée par la Cour de cassation tout à la fois pour (i) circonscrire la sanction de la nullité au cas où un non-associé avait participé à des décisions collectives dans une SARL (Cass. com., 11 octobre 2023, n° 21-24.646) et (ii) étendre la sanction de la nullité aux décisions collectives prises en violation des statuts d’une SAS (Cass. com., 15 mars 2023, n° 21-18.324).
- Pour autant, la théorie du « vote utile » heurte le droit de chaque associé de participer aux décisions collectives.
- En encadrant la faculté du juge de prononcer la nullité, la Cour de cassation ajoute également à l’article L.223-7 : contrairement à ce qu’elle indique, il ne « résulte [pas] de ce texte » que la nullité serait limitée au cas où l’absence de l’associé a été de nature à influer sur le résultat du processus de décision.
Appréciation
On peut comprendre l’intérêt de circonscrire les nullités pour convocation irrégulière. Mais conditionner la nullité à l’incidence que la participation de l’associé aurait pu avoir sur l’issue du vote conduit à priver l’associé (minoritaire) d’un attribut essentiel de sa qualité en raisonnant uniquement en termes de droits de vote et en occultant l’importance des débats dans la prise de décision. Le recours au « vote utile » est donc tout aussi inutile qu’inopportun.